La philosophie hégélienne, qui hante depuis un siècle la pensée allemande, c'est maintenant qu'on la découvre on France: deux livres importants viennent de s'y employer¹. Sauf quelques travaux de pionniers, et d'isolés, comme Idées d'Alain, ou la Conscience malheureuse de Jean Wahl, l'Université française avait ourdi autour de Hegel une sorte de conspiration du silence. Et il semble que ce soit le prestige du marxisme, et d'abord comme mouvement plutôt que comme doctrine, qui ait suscité les premières forces de rupture: par un phénomène bien hégélien, Hegel a été reconnu chez nous sous l'impulsion de l'histoire concrète, et dans un contexte d'événements politiques. Depuis la guerre, avec l'existentialisme, s'est ouverte unes econde voie d'accès à Hegel. Et s'il est vrai que l'existentialisme exprime l'effort d'une conscience lucide et déconcertée pour penser sa situation dans un monde où l'absurde et l'inhumain se manifestent avec plus de violence que jamais, ce sont encore les circonstances historiques qui inspirent le recours à Hegel. Hegel, c'est avant tout la philosophie de l'histoire: tant que l'histoire s'accomplit sans heurt, découvrant un horizon familier et des problèmes à notre taille, nous la vivons sans la penser; les peuples heureux n'ont pas besoin d'une philosophie de l'histoire.